Sommaire

Pour relever les défis majeurs de l’urgence climatique, le simple apport de connaissances ne suffit pas, ni la diffusion d’informations dans le cadre d’actions de communication classique. Nous proposons de réfléchir à un modèle communicationnel spécifique permettant de mobiliser l’ensemble des acteurs pour réussir une transition écologique efficace. A partir d’analyse de deux situations connues (les rapports du GIEC et les campagnes de Green Peace), nous tentons de structurer un modèle en s’appuyant en particulier sur l’importance de l’approche artistique et culturelle et sur l’articulation : action personnelle, participation collective et gestion des données produites. Ce modèle sera expérimenté dans le cadre d’une recherche universitaire CNRS, en prolongement du programme DIMEDD et du déploiement de la plateforme POUCEDD réalisée dans ce cadre. (DIMEDD : Dispositif Multimédia pour l’Education au Développement Durable, Laboratoire CLLE, 2018-2022)

Introduction

L’urgence climatique est telle qu’elle exige la mise en action rapide d’une transition écologique sans précédent. Il apparait qu’il ne suffira pas de mettre en oeuvre de nouveaux process industriels et techniques, de promulguer de nouveaux règlements et d’établir de nouvelles normes, il semble indispensable de mobiliser les populations, d’engager les personnes et les différentes communautés humaines dans le changement de comportement, et de renouveler profondément, individuellement et collectivement les façons de penser et d’agir ; la réussite d’une transition écologique qui inverse les courbes d’émission de gaz à effet de serre, passe par une adhésion résolue de la société. Nous posons que pour réaliser, provoquer et accompagner ce mouvement, une démarche communicationnelle inédite et d’envergure est nécessaire. Nous proposons ici une tentative pour définir une méthodologie spécifique de communication – information, spécifiquement structurée pour engager et réussir cette indispensable transition écologique. Les méthodes et stratégies communicationnelles actuelles sont performantes, elles se sont développées depuis des décennies, elles ont acquise une expérience, mises en place des organisations et mobilisées des moyens financiers colossaux ; mais elles s’avèrent mal adaptées à la transformation profonde que réclame la lutte contre le changement climatique.  

Analyses de situation

On peut rappeler que malgré une information abondante sur les problématiques du changement climatique et ses conséquences désastreuses, malgré une sensibilisation large des publics, de programmes internationaux d’envergure  (la cop21 par exemple), les transformations engagées restent insuffisantes. On pose l’hypothèse qu’un nouveau type de communication-information contre le changement climatique est nécessaire.

Un des premiers obstacles à la mise en place d’une communication-information contre le changement climatique (nous noterons CICCC), vient de ce que les structures et les fonctionnements de la majorité des médias reposent sur des comportements, des attitudes, des façons de penser et d’agir qui s’opposent à une CICCC efficace : la rentabilité, la consommation, la captation de publics, la marchandisation de l’information, etc).).

Sans la conception et la mise en ouvre d’un autre modèle il semble difficile d’engager une CICCC réellement efficace.

Pour éclairer cet aspect, nous étudierons deux situations communicationnelles : les rapports du GIEC et leur diffusion ; la grande majorité des acteurs de la lutte contre le réchauffement climatique s’appuie sur ces rapports. L’impact de ces rapports est important, ils n’ont pourtant pas les effets attendus.

Les campagnes d’action d’une ONG : celles de Green Peace. Cette organisation a une longue histoire d’engagement, de persévérance, et elle a acquise une forte notoriété. Les moyens utilisés : « les appels à » signés par des scientifiques ou des artistes, les campagnes de signatures, les éditoriaux de personnalités, les occupations symboliques ne sont pas inutiles ni sans effets, mais restent en deçà des mobilisations nécessaires. L’objectif souvent visé est de réveiller la conscience collective, et repose sur l’appel à la responsabilité. Une autre approche doit être envisagée.

Construire une approche communicationnelle

Un premier élément d’appui : la différenciation entre communication et information. Ce n’est pas une innovation mais il est important de revenir à cette réalité que l’explosion médiatique à rendu confuse par la complexité des relations qui se sont tissées entre communication et information. Les pratiques médiatiques ont installé des formes habiles d’hybridation de ces notions.  Ces formes sont efficaces pour atteindre certains objectifs de consommation, mais rendent difficiles l’engagement et la mobilisation pour des objectifs de transition écologique.

L’importance de l’approche artistique et culturelle, le travail sur la sensibilité et l’émotion, l’expression personnelle et l’accompagnement à la créativité sont un axe fort du modèle. Les problématiques du changement climatiques ne sont pas que scientifiques ou comportementales ; la confrontation à des expression artistiques en relation avec ce vaste domaine ouvre des champs de réflexion indispensables à un engagement. L’expression audiovisuelle et la création filmique sont privilégiées dans ce modèle, vue l’importance prise par l’image et le son dans les médias actuels. Le modèle communicationnel envisagé invite aux démarches culturelles diverses et accompagne et valorise les acteurs dans le domaine.

L’articulation : action personnelle et participation collective.

Il ne s’agit pas de positionner les actions au simple niveau de la responsabilité citoyenne ou morale, mais sur des parcours de vie, de rencontres, de réalisation commune, de solidarité.

La maitrise d’un suivi et le retour sur les pratiques. Un nouveau type de gestion des données produites par les actions personnelles et collectives est nécessaire ; totalement maitrisée par les acteurs, cette gestion se matérialise dans des comptes ou cartes bien identifiés. (exemple le compte carbonne). Pour cela, il faut organiser le développement de réseaux supports non dépendants des circuits économiques et financiers non compatibles avec la lutte contre le réchauffement climatique.

Enfin, il ne faut pas minimiser le rôle d’événement déclencheur. Le cas de Greta Thunberg est intéressant et mérite d’être examiné ; sans une CICCC adaptée, l’évènement n’aura pas tout l’impact qu’il pourrait enclencher.

Cette tentative pour élaborer ce nouveau modèle CICCC, se concrétise dans un document, une charte de deux pages avec diverses annexes techniques, qui présente les objectifs et une structure d’actions.

Expérimentation d’un modèle

Cette réflexion pour une approche communicationnelle spécifique à la lutte contre le changement climatique est expérimentée dans le cadre d’une recherche universitaire. Suite au programme DIMEDD (2018-2022), porté par le laboratoire CLLE (CNRS) de l’université Toulouse Jean-Jaurès, une plateforme numérique POUCEDD a été mise en place ; portée et gérée par l’association FReDD (Film, Recherche et Développement durable), elle propose des parcours centrés autour d’expressions audiovisuelles et filmiques pour accompagner une réflexion personnelle. Dans le cadre d’un nouvel appel d’offre national, le projet vise au déploiement de la plateforme et s’élargit au service des scolaires de trois académies (Toulouse, Lyon, Marseille). Pour accompagner la réflexion et l’engagement des acteurs, une « hot ligne » est mise en place et animée par l’association FReDD selon le nouveau modèle CICCC présenté ci-dessus, et résumé dans la charte associée.

Les données recueillies et traitées dans le cadre de l’expérimentation par le laboratoire CLLE à partir de 2023 seront précieuses pour les confronter aux hypothèses du modèle CICCC, en espérant pouvoir ainsi le faire évoluer.

Bibliographie

Ardourel, Y., 2015, Vers une nouvelle société de la connaissance, Bordeaux, PUB

Bougnoux, D., 1995, La communication contre l’information, Hachette.

Lescarret, C., Amadieu, F. et al., 2019, « Quand l’expertise n’est pas persuasive : étude sur une controverse socio-scientifique présentée en vidéo à des collégiens » Colloque Psychologie sociale de la communication, Metz.

Serres, M., 2012, Petite poucette, Paris, Le Pommier

Stiegler, né en 2008, Réenchanter le monde, Flammarion.

Viard, J. 2021, La révolution que l’on attendait est arrivée, Paris, L’aube.

Ziegler J. 2018, Le capitalisme expliqué à ma petite-fille, Le Seuil.

Sciences avec et pour la société, 2021, rapport, Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.