Dynamiques informationnelles et circulation conviviale des savoirs dans les FabLabs
Date and Time: 14/10/2022 (16:00-17:45)
Vincent Liquete, Anne Lehmans
Keywords: Fablab, Espace collaboratif, Circulation des savoirs

Une culture numérique reposant sur l’usage de machines, de techniques, de langages, de l’algorithmie et de l’information, à partir des façons de penser, des objets, et des interactions sociales, se diffuse à l’échelle du monde. Cette diffusion passe notamment par l’acquisition de compétences renouvelées, avec la capacité à produire des objets dans une démarche créative, collaborative et à l’aide de techniques et d’outils (numériques mais pas seulement) mis à disposition du public et partagés dans des espaces ouverts. Créé par Neil Gershenfeld, du MIT, le FabLab est un « lieu ouvert » au public où sont mis à disposition toutes sortes d’outils, avec des données stockées sur des plateformes collaboratives, en vue de concevoir et de réaliser des objets tangibles. Le travail qui s’y mène, dans des collectifs à géométrie variable, ne porte pas seulement sur les aspects matériels de la fabrication d’objets, mais aussi sur la démarche co-créative (production avec les pairs, idéation, itération, prototypage), ainsi que sur les développements informatiques nécessaires pour faire fonctionner les outils ou les projets, par exemple autour de la robotique, sur les dimensions sociales de la création et sur des systèmes d’entraide entre les acteurs.
Les FabLabs, tiers-lieux destinés à accueillir des projets basés sur la démarche de design à l’aide d’outils numériques, deviennent des espaces destinés à favoriser les apprentissages, tant autour des connaissances techniques à acquérir pour fabriquer des prototypes d’objets que de la créativité, de l’autonomie, et de la capacité à travailler de façon collaborative. Ils sont même devenus, dans certains cas, des lieux d’accès démocratisé à la co-construction de connaissances et de compétences par le faire, et de réengagement dans des dynamiques de formation. Ils facilitent également la découverte de soi dans l’activité et le faire. Ceci concerne les élèves ou les étudiants décrocheurs par exemple, mais aussi des étudiants qui travaillent dans des conditions de grande pénurie ou précarité de moyens financiers et techniques, pour les pays en développement par exemple, qui trouvent dans le FabLab un décloisonnement des pratiques d’apprentissage conventionnelles et un écosystème numérique ouvert. Cependant, les FabLabs reposent sur la maîtrise de connaissances numériques et d’environnements de travail qui fonctionnent en réseaux, le plus souvent suivant la culture « hacker » qui s’appuie sur le langage, les plateformes et les réseaux informatiques, aussi ouverts soient-ils. La démarche du projet en FabLab reste peu documentée, peu communiquée et peu visible pour les non-initiés. Parallèlement, n’existe pas ou peu une mémoire documentaire organisée des activités menées par le passé dans ces espaces de création.
Un projet de recherche, FabLab MORE, financé par l’agence ANR (2022-2024), s’intéresse à ces réseaux et aux objectifs de communication qu’ils s’assignent pour s’insérer dans les écosystèmes de formation, en expérimentant et analysant les potentialités d’amélioration de la documentation, de la communication et des processus d’intermédiation. Plus que l’innovation technologique experte, ce sont les logiques d’ouverture sociale et culturelle des espaces participatifs de diffusion et de circulation des savoirs qui sont en jeu, dans une dynamique de convivialité dans laquelle l’espace est « conducteur de sens, traducteur d’intentionnalité » (Illich, 1975, 45). Les dimensions cognitives, sociales et interculturelles sont visées, dans un réseau local et international de FabLabs, pour comprendre comment les savoirs circulent entre différents espaces et communautés, selon quels registres de communication médiatisée.
Dans le FabLab, outre les objectifs, les outils, le réseau social, c’est l’organisation spatiale des apprentissages qui est mise en évidence, ainsi que la création d’un système d’information de nature documentaire qui permet à la documentation technique et opératoire, notamment, de circuler, pour que se développe une communauté de pratique étendue et documentée.
Afin d’analyser ces dynamiques, le projet s’appuie sur des observations de type ethnographique dans les FabLabs, sur des entretiens avec les acteurs engagés dans les projets, ainsi que sur l’analyse des modes de circulation des « documents pour l’action », en lien avec les communautés de Fabmanagers impliqués dans la démarche et le projet.

Repères bibliographiques

Certeau, Michel de (1990). L’invention du quotidien. 1. Arts de faire. Paris : Le Seuil.
Illich, I. (1975). La Convivialité, Le Seuil : Paris.
Jacob, C. (2014). Interactions, positionnements In : Qu’est-ce qu’un lieu de savoir ? Marseille : OpenEdition Press.
Lehmans, A. & Liquète, V. (2019). Le document dans une pragmatique sociale de l'information. Communication & langages, 199, 115-129
Lhoste, É., Barbier, M. (2016). FabLabs : L’institutionnalisation de Tiers-Lieux du « soft hacking ». Revue d'anthropologie des connaissances, 10,1, 43-69.
Maury Y., Kovacs, S., Condette, S. (dir.) (2018). Bibliothèques en mouvement. Innover, fonder, pratiquer de nouveaux espaces de savoir. Villeneuve-d’Ascq : Presses universitaires du Septentrion.
Zacklad, M. (2008). Participative documentary spaces and governance, International Journal of Sustainable Development, vol. 11, no 2‑4, Janvier, 247‑261


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